Faire face à la précarité, au chomage, à la pauvreté (R. Castel)

Publié le par DAN

  L'électricité, le Roi, l'autogestion.

Au fond la question qui semble a priori résolue ici est de savoir s'il convient de s'adapter au monde de l'économie libérale - ou non. Où que l'on regarde sur la planête cette économie est profondément destructrice, de l'homme comme de son environnement et ne chercher qu'à s'adapter apparait suicidaire. Sans doute celà produit il quelques belles fortunes ("La Fraternité du Fouquets" et autres franc-maconneries) et sans doute des innovations technologiques. Mais au fond le résultat de cette prodigieuse consommation de ressources est lui même assez dérisoire quand à ses finalités pour justifier de passer à autre chose.
Pour en rester au sujet de l'article, l'emploi - il nous faut bien constater que la flexibilité, s'appuyant sur les conventions collectives mises en place ces dernières décennies sont un mauvais coups porté aux qualifications, aux mêtiers ce dont témoigne aussi les "dérives" de l'enseignement technique. Il y a là des choix qui confortent la désertification industrielle et le chomage de masse. Des choix qui accompagnent les délocalisations en réduisant à rien l'avantage de savoir faire technologique dont pouvait hier encore tirer profit la France. L'on aurait tort de confondre l'expérience du consommateur, de l'utilisateur, avec une quelconque possession de ces savoir-faires comme chercheraient à nous en convaincre des propos enjoués sur la jeunesse.
On peut donc douter que quelques réformes limitées au marché du travail suffiront à régler les difficultés ou se trouve la Nation, difficultés dont la situation des salariés n'est que le barometre.  

Face à la Génération Fouquet's

L'intérêt des deux articles Robert Castel publiés à quelques années d'intervalle est d'aider à clarifier la situation de l'emploi et d'aider à concevoir les réformes utiles à un renforcement des protections sociales adaptées aux nouvelles logiques du monde industriel.
Pour donner à ce projet un contenu qui ouvre la porte à d'autres changements sociaux conviendrait il encore de s'interesser, outre ce qui a été dit précedement, au rôle de l'Etat dans cette affaire. Celui-ci apparait quand les partenaires sociaux et au premier chef le patronat se défossent de leurs responsabilités sociales. C'est à dire transfèrent sur l'ensemble de la société les coûts inhérents à l'emploi, à la production, à la maximalisation des profits.

Mais on doit bien le constater aujourd'hui l'Etat n'offre aucune garantie de pérénité ou de justice sociale, ses politiques suivent les aléas des rapports de force politiques avec plus ou moins de lenteur, au gré des cohésions à préserver.

La seule garantie résiderait pour un part dans la possibilité pour les salariés d'accéder aux libertés des communes c'est à dire à l'autogestion, forme contemporaine de la possession du mêtier, d'autre part dans une représentation de l'Etat - des intérêts de la Nation, qui soit indépendante des intérêts des seules oligarchies financières et politiques.

De quoi faire pour occuper la jeunesse - une troisième révolution capétienne.    

Comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase, le contrat première embauche (CPE) a été l’occasion d’une prise de conscience de l’ampleur et de la gravité de la question de la précarité. Et le traitement d’une telle situation s’inscrit aujourd’hui dans une stratégie qui reconnaît la précarité, la généralise et tend à en faire un régime normal d’organisation du travail.

Pour le comprendre, .. il faut aussi y associer le volet emploi de la loi de cohésion sociale. Il institue toute une gamme d’emplois " aidés " qui sont programmés pour concerner 2 millions ou 3 millions de personnes. Il y a aussi la foule des stages. En juillet 2005, 800 000 stagiaires étaient affectés à des occupations dont le contenu oscille entre le stage bidon et l’emploi déguisé. Mais on doit encore inclure dans ce panorama un grand nombre des " services à la personne " récemment relancés par Jean-Louis Borloo, activités à temps partiel peu qualifiées et médiocrement payées.

Enfin les différentes formes dites " atypiques " de contrats (CDD, intérim, emplois à temps partiel) sont en progression constante. Si elles demeurent minoritaires en termes de stocks (il y a encore une majorité de CDI), pour les entrées sur le marché du travail, c’est tout le contraire.

... On a eu souvent tendance à se la représenter comme une situation atypique, plus ou moins marginale par rapport au marché régulier du travail, et le plus souvent provisoire.

.. Mais si elle était en train de devenir un état ? Un nombre croissant de gens passent de stage en stage ou d’occupation provisoire en occupation provisoire, coupées de périodes plus ou moins longues de chômage. Il peut donc y avoir une consistance de la précarité. Elle devient ... une condition permanente, ou un registre " régulier " de l’organisation du travail.

Ce statut paradoxal du " précariat " (une précarité permanente) tient au fait qu’il y a du non-emploi de masse qui n’est plus à proprement parler du chômage, si l’on appelle chômage une situation de privation d’emploi dans laquelle il y a des " demandeurs d’emplois " attendant de trouver un emploi.

Depuis une vingtaine d’années s’est constitué dans notre société un volant, représentant de l’ordre de 10 % de la population active, qui n’a pas d’emploi et qui, si toutes choses demeurent égales par ailleurs, n’aura pas d’emploi.
En effet, le régime actuel du capitalisme, qui crée beaucoup de richesses, est incapable de produire le plein emploi. Il produirait plutôt un déficit d’emplois assurés de leur durée (CDI), garantis par le droit du travail et donnant accès à toutes les prérogatives de la protection sociale.

Que faire face à cette situation qui laissée à elle-même impliquerait la pérennité d’un non-emploi de masse ? La stratégie dont le CPE n’était qu’un élément propose une réponse qui a sa cohérence : à défaut d’aller vers le plein emploi proprement dit, .. donner un statut à la précarité, ou institutionnaliser des manières de travailler qui ne saturent pas les prérogatives rattachées au statut de l’emploi.

Parallèlement, une pression s’exerce pour valoriser le travail pour le travail et stigmatiser l’inactivité, baptisée oisiveté. Il faut absolument travailler, sans être trop regardant sur la qualité du travail et la manière dont il est rétribué et protégé.

Le but est de promouvoir une société de pleine activité (une " société active "), très différente d’une société de plein emploi : tout faire pour ne pas être un " mauvais pauvre ", disqualification séculaire attachée à tous ceux qui, étant aptes au travail n’arrivent pas à travailler. Pour ne pas être un " mauvais pauvre ", il faut accepter de travailler à n’importe quelle condition, quitte à devenir un working poor.

... On ne peut se contenter de défendre en l’état le statut de l’emploi né du compromis social qui s’était constitué sous le capitalisme industriel. Les garanties du droit social et de la protection sociale ne peuvent plus s’accrocher uniquement au travail stable, parce qu’il peut être nécessaire de changer d’emploi, de passer par des périodes d’alternance entre deux emplois, de s’adapter à des emplois nouveaux, etc. Articuler la mobilité (ou la flexibilité) avec la protection des travailleurs, c’est le défi que nous avons à relever.

Il s’agit en somme d’élaborer un nouveau compromis social entre les intérêts des entreprises mesurés en termes de productivité et de compétitivité (incluant la flexibilité lorsqu’elle est techniquement nécessaire) et les intérêts des salariés, mesurés en termes de sécurité, de protection et de revenus. Au-delà des mesures sectorielles, c’est le seul antidote sérieux face à la précarisation, et c’est le sens du débat actuellement ouvert sur la sécurisation des parcours professionnels.

Le CPE étant maintenant derrière nous, la prise de conscience qu’il a permise et les forces sociales qu’il a mobilisées doivent continuer à peser pour imposer cette redistribution plus équitable, tant des sacrifices à consentir que des bénéfices à retirer des nouvelles exigences de l’organisation du travail, à travers la négociation de ce nouveau compromis social entre mobilité et sécurité.


(Le Précariat - 29 Avril 2006)

La France compte aujourd’hui plus de sept millions de personnes pauvres, selon les critères européens de pauvreté. Soit 13 % de la population.

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".. Certaines des transformations sociales de ces trente dernières années sont à mon sens assez irréversibles. Il faut donc les prendre en compte. Mais si l’on est sensible à certaines valeurs de solidarité, il faut attacher de nouveaux droits à ces transformations. Cela suppose notamment un changement de modus operandi de l’Etat social. Jusque-là, les individus étaient protégés par leur appartenance à de grandes catégories homogènes de la population correspondant à leur statut professionnel, et l’Etat était garant de ces protections. Aujourd’hui, l’Etat devrait davantage prendre en compte la singularité des trajectoires et devenir ainsi un Etat « animateur », un « Etat social actif ».

Cela supposerait notamment une sécurisation des parcours professionnels, dont certains économistes et juristes (Bernard Gazier, Alain Supiot) mais aussi les syndicats (notamment la CGT, avec son idée de « Sécurité sociale professionnelle ») parlent depuis une dizaine années. Cette sécurisation des parcours implique que de nouvelles protections soient attachées à la personne des salariés, pour lutter contre la précarité, pour leur permettre d’être plus mobiles, mais dans la sécurité. Cependant, aujourd’hui, le rapport de force n’est malheureusement pas en faveur des salariés. .."

"Il faut inventer de nouvelles protections sociales" - BétaPolitique 03/02/10 (Extrait)

PUBLIE

L'Europe et la grande pauvreté - Démagogie de la génération Fouquet's

Fondation Abbé-Pierre - La crise du logement social (La Croix)

Logement social (HLM) - bientôt 10 millions de SDF en France ?

Retraite Chomage - le prix de la classe politique, les privilèges (oligarchie)

LYON - Les travailleurs sociaux en lutte pour préserver et developper l'action sociale.

       

Publié dans SOCIAL

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